DIVORCE – SEPARATION / VENDRE LA RESIDENCE PRINCIPALE
Comme nombre d’entre nous avant vous, vous avez sans doute entendu, lu et relu tout et son contraire à ce sujet. Les professionnels eux-mêmes s’emmêlent parfois les pinceaux sur cette épineuse question de la liquidation patrimoniale et ses conséquences, fiscales notamment. Décider de vendre son logement au moment du divorce pose la question du timing de cette vente.
Faut-il vendre le bien immobilier commun avant, pendant ou après le divorce ?
Enfin des réponses claires !
Commençons par planter le décor ;
La situation la plus classique est celle du divorce d’un couple marié sans contrat propriétaire de sa résidence principale qu’aucun des deux conjoints ne souhaite garder.
La vente de ce bien commun est alors la seule solution qui s’offre au couple puisque le rachat de soulte par l’un des époux et le maintien en indivision ne sont pas des options qui les intéressent.
Se pose alors la problématique de vendre la maison avant, pendant ou après le divorce.
En parcourant la toile, on comprend vite que les avis sur la question sont loin d’être unanimes et si certains experts conseillent de vendre en amont de la procédure de divorce, d’autres crient à l’évasion fiscale et aux risques, nombreux, encourus en choisissant de vendre le logement et de se partager le produit de cette vente dans la précipitation et un certain flou artistique.
Pourquoi certains couples s’empressent-ils de vendre leur maison quand la décision de divorcer est prise ?
Le droit de partage
Les couples qui divorcent ou qui se séparent doivent partager entre eux les biens meubles et immeubles acquis ensemble ou en indivision. A ce titre, un impôt est exigible, c’est un droit d’enregistrement dont le taux est actuellement de 2,5%, on l'appelle le droit de partage. Ce droit de partage est passé à 1,8% en 2021 puis 1,1% depuis le 1er Janvier 2022.
L’assiette sur laquelle est appliquée ce taux est constituée par l’actif net de la communauté, c’est-à-dire la valeur des biens concernés – les dettes. En clair, si votre maison est estimée à 200k€ et qu’il vous reste 100k€ de capital à rembourser à la banque, vous paierez 2,5% de 100k€, 2500€ de droit de partage.
Plus l’actif net à partager est important, plus ce droit de partage sera conséquent et dans certains cas, il arrive que les couples hésitent même à divorcer au regard des dépenses que cela va engendrer.
Fort de ce constat, le législateur va abaisser ce droit de partage en deux temps pour le ramener à sa précédente valeur, avant la Loi de finances de 2011. Le pourcentage du droit de partage va passer de 2,5 à 1,8% à compter du 1er Janvier 2021 puis 1,1% à partir de l’année suivante, au 1er Janvier 2022.
De quoi rassurer certains puisque la baisse sera significative mais pas de quoi s’assurer que la pratique de la vente du logement commun avant de divorcer devienne caduque puisque nous cherchons naturellement toujours à optimiser les coûts…
Vendre avant d’officialiser le divorce ou la séparation, une pratique courante mais risquée.
Beaucoup de conjoints en situation de séparation décident de vendre rapidement le logement pour contourner le droit de partage et divorcer ensuite.
En théorie, un partage verbal entre les conjoints n’est normalement pas soumis au droit de partage qui, pour être exigible, implique un acte (acte liquidatif notarié, convention de divorce...).
En 2013, une réponse ministérielle, la réponse VALTER, est même venue conforter les défenseurs de cette pratique en disant ; « le partage verbal entre époux du produit de la vente d’un immeuble commun qui intervient avant un divorce par consentement mutuel n’est pas soumis au droit de partage »
Même si cette réponse ministérielle semble instituer cette possibilité offerte aux couples désireux de réduire au minimum les frais inhérents à leur divorce, elle doit être relativisée puisqu’elle n’est finalement pas opposable à l’administration fiscale. Le risque de requalification par l’administration fiscale est donc réel et en cas de redressement, la pénalité peut aller jusqu’à 80% !!
S’ajoute à cela la responsabilité des avocats dans le cadre du divorce par consentement mutuel devant notaire. Cette procédure encore relativement récente laisse certes une grande liberté aux conjoints qui souhaitent divorcer rapidement mais elle implique davantage la responsabilité des avocats dans les effets du divorce consentis entre les parties.
La procédure de divorce sans juge impose que la convention qui sera formalisée par les avocats des époux atteste de l’accord de principe de ces derniers pour divorcer et règle l’ensemble des conséquences de leur séparation effective parmi lesquelles la liquidation de la communauté.
En principe, les avocats doivent donc faire état dans la convention de ce qui a été décidé pour le patrimoine commun des époux. A ce titre, une vente ayant eu lieu dans les mois précédant le divorce et dont le produit a été partagé entre les conjoints, devrait figurer dans la convention, laquelle est un acte... c'est ici que le serpent se mord la queue...
Quelles sont les conditions d’exigibilité du droit de partage ?
Les conditions du paiement du droit de partage
Pour que l’administration fiscale puisse réclamer un droit de partage, il faut quatre conditions :
- Un acte, il faut que le partage soit formalisé dans un acte
- Une indivision, c’est-à-dire que les conjoints soient propriétaires indivisaires
- Une preuve de cette indivision
- Un partage de cette indivision entre les indivisaires, en l'occurrence les conjoints
C’est ici que le bas blesse puisque les avocats sont supposés formaliser le partage des liquidités communes (issues pour tout ou partie de la vente du bien immobilier commun) dans la convention de divorce, laquelle est, comme nous le rappelions à l'instant, un acte.
Pour autant, il faut bien reconnaître que l’administration fiscale risque d’avoir du mal à prouver qu’il y a une fraude manifeste mais ce n’est pas impossible et le bruit court que l’étau se resserre actuellement autour de cette problématique.
Prenons l’Article L64 du Livre des Procédures fiscales (LPF) qui explicite que l’abus de droit est avéré quand l’acte en question n’a pu être motivé « par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. »
Soyons réalistes, ça ressemble quand même fortement à la situation d’un couple qui décide de divorcer et vend son bien avant de lancer la procédure proprement dite pour s’épargner la charge fiscale de droit de partage.
Pour creuser, l’administration fiscale aura accès à tous les éléments nécessaires puisqu’elle peut vérifier les dates de chacun des actes concernés, la vente du bien, l’enregistrement du divorce…
Dans les faits, personne n'est donc à l'abri de se faire « retoquer » par le Trésor public au sujet du droit de partage, vendre sa maison juste avant de divorcer en vue de s'épargner cet impôt comporte donc des risques.
La règle qui veut qu’il n’y ait pas d’impôt sans acte constatant le partage se heurte aussi à l’une des finalités de la convention de divorce par consentement mutuel qui impose aux avocats de formaliser le partage des biens et dettes entre les conjoints, incluant bien entendu le partage des éventuelles liquidités du couple, en l’occurrence, le produit de la vente de l’immeuble commun.
Disons les choses clairement, les avocats sont dans la position délicate du collecteur de l’impôt dit du « droit de partage » dans le cadre de la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel. Ils engagent ici leur responsabilité au même titre qu’un notaire et une fois le divorce enregistré, c’est à eux d’informer les services fiscaux du montant éventuel de l’impôt dû au titre du partage mentionné dans la convention (et qui n’est donc plus verbal mais bien formalisé dans cet acte).
Il y a là, pour nombre de cabinets, une forme d’insécurité juridique et fiscale qui les encourage à inciter leurs clients à vendre le ou les biens concernés après la procédure de divorce (rendant impossible le divorce sans juge à moins de passer par un maintien dans l’indivision qui peut aussi s’avérer coûteux).
Maintenant que vous mesurez les risques encourus, il vous appartient de décider si ça vaut le coup de les prendre ou si vous optez pour une autre solution, moins périlleuse (mais plus longue ou impliquant elle aussi un coût). On le redit, personne n'est à l'abri du redressement fiscal.
La réponse ministérielle du 1er Septembre 2020 sur le droit de partage, la fin du débat ?
Le débat autour de cette question du droit de partage applicable au produit de la vente d'un bien partagé entre les conjoints avant leur divorce est peut être clos du fait d'une réponse ministérielle en date du 1er septembre 2020, c'est en tous cas ce qu'en disent de nombreux praticiens, au moins pour les couples mariés sous le régime légal, c'est à dire sans contrat de mariage.
Vu sous l'angle fiscal, le droit de partage ne serait exigible que s'il y a un acte constatant le partage (de biens meubles ou immeubles). En principe donc, s'il n'y a pas d'acte, il n'y a pas de droit de partage.
C'est d'ailleurs ce que rappelle la réponse ministérielle;
« Par suite, le partage verbal entre époux du produit de la vente d'un immeuble commun qui intervient avant un divorce par consentement mutuel n'est pas soumis au droit de partage. En revanche, si les époux constatent ensuite le partage dans un acte, quel qu'il soit et donc y compris le cas échéant la convention de divorce, avant, pendant ou après la procédure de divorce ou qu'ils font mention du partage verbal dans un acte postérieur à ce partage, l'acte constatant le partage doit alors être soumis à la formalité de l'enregistrement et devra donner lieu au paiement du droit de partage dans les conditions prévues aux art. 746 s. du CGI. »
On serait donc tenté de se dire que la boucle est bouclée, en se gardant de signaler aux avocats la vente intervenue récemment et dont le produit a fait l'objet d'un partage entre eux, les époux seraient dans leur bon droit et aux oubliettes le droit de partage SAUF QUE NON !
La fin de la réponse ministérielle remet les pendules à l'heure en spécifiant ce qui suit: « le produit de la vente doit, même en l'absence de partage, être inclus dans l'état liquidatif du régime matrimonial annexé à la convention, ce dernier devant comprendre l'ensemble des biens communs ou indivis du couple » (Rép. min. n° 10159, JOAN 1er sept. 2020).
On comprend dès lors que la prudence reste de mise et qu'il sera compliqué de passer outre cet impôts, particulièrement pour les couples mariés sous un régime communautaire. En effet, les conjoints mariés sous le régime légal doivent en principe faire l'inventaire de leurs comptes bancaires et il serait particulièrement risqué d'en cacher certains. L'article 229-3 du code civil précise que la convention doit inclure, à peine de nullité, l'état liquidatif du régime matrimonial. Ainsi, le partage antérieur du produit de la vente d'un bien commun perdra son caractère "verbal" puisqu'il a vocation à figurer dans la convention de divorce, laquelle, rappelons-le encore ici, est bien un acte.
Le débat semble donc clos en ce qui concerne les couples mariés sous le régime de la communauté mais en revanche, les experts ne sont pas unanimes pour ceux unis sous le régime de la séparation de biens et une clarification est attendue pour savoir si cette réponse ministérielle a vocation à s'appliquer pour les deux régimes. En attendant, la prudence doit être de mise et il est dès lors préférable de se rapprocher de votre notaire pour détailler avec lui les options qui s'offrent à vous.
Quelles solutions pour ne pas avoir à payer un droit de partage dans le cadre de son divorce ou de sa séparation ?
Il est bien sûr légitime de chercher à réduire au minimum les frais inhérents à sa séparation ou à son divorce.
Commençons par rappeler que si vous êtes un couple encore très endetté, le droit de partage ne devrait pas être un frein pour votre divorce puisque le taux de 1,8% s’appliquera sur la valeur nette de votre actif. Pour exemple, sur une maison estimée à 200k€ sur laquelle il resterait un prêt à hauteur de 180k€, le droit de partage serait de 500€, inutile alors de se lancer dans une vente à la va vite pour éviter d’acquitter cette somme.
En revanche, si vous avez la chance de détenir ensemble des biens dont la valeur nette est importante, il sera peut-être judicieux de recourir à d’autres solutions pour économiser sur les impôts exigibles.
Rappelons encore que le taux applicable de droit de partage a été réduit de 2,5% à 1,8% début 2021 et à 1,1% en 2022.
En attendant, deux solutions s’offrent notamment à ceux qui veulent optimiser les aspects fiscaux de leur séparation tout en restant sur la voie de la séparation amiable, le maintien dans l’indivision suivi d’un divorce par consentement mutuel ou la procédure de divorce accepté.
Maintien en indivision et divorce amiable, pas de droit de partage
Le maintien en indivision sur le ou les biens que vous possédez ensemble est une bonne piste pour limiter l’impact fiscal de votre séparation.
Pour faire court, cela implique que vous restiez tous deux propriétaires dudit bien par le biais d’un acte notarié qui va organiser vos rapports juridiques pour une durée déterminée ne devant pas excéder 5 ans (renouvelable).
Dans ce contexte, pas de partage et par conséquent, pas de droit de partage, c’est logique !
S’ajoute à cela la possibilité de revendre le bien une fois le divorce prononcé et le partage verbal des liquidités issues de la vente se fera sans imposition. Notons d’ailleurs qu’il reste possible, sous certaines conditions, de bénéficier ici de l’exonération de taxe sur la plus-value immobilière comme si c’était toujours votre résidence principale si tel était le cas.
Le maintien en indivision n’est pas forcément utilisé pour se prémunir de l’impôt « droit de partage », il arrive que les conjoints qui se séparent choisissent de rester propriétaires du bien ensemble pour d’autres raisons comme le fait de préserver l’équilibre des enfants en les maintenant dans leur maison si aucun des deux ne peut la racheter seul, il est aussi fréquent d’opter pour ce scénario quand il y a un attachement fort au bien en question ou quand le marché immobilier n’est pas propice pour éviter une vente à perte…
Pour en savoir plus sur ce maintien en indivision qui pourrait constituer une solution intéressante dans votre situation, il vous suffit de suivre ce lien et de consulter notre dossier dédié à ce sujet.
Le divorce accepté – divorce sur acceptation de la rupture du mariage
Autre alternative fréquemment proposée par certains cabinets d’avocats ; le divorce accepté (article 233 du code civil)
Il s’agit d’une procédure de divorce devant le juge aux affaires familiales, c’est donc une procédure de divorce judiciaire mais adaptée à ceux qui sont néanmoins sur la même longueur d’ondes concernant les conséquences de leur divorce.
Choisir ce fondement pour lancer la procédure permet au couple de basculer sous le régime de l’indivision post-communautaire une fois le divorce prononcé et ainsi, le partage verbal devient possible sans aucun risque d’être rattrapé par les impôts.
Il est certes regrettable de devoir en passer par là pour minimiser l’impact fiscal de son divorce et ça va bien entendu à l’encontre de la volonté du législateur que de désengorger les tribunaux des procédures en droit de la famille mais ça reste néanmoins une option qui mérite réflexion.
C’est la procédure de divorce devant le juge qui s’avère généralement être la moins longue mais elle reste quand même bien plus fastidieuse qu’une procédure par consentement mutuel qui peut ne durer que quelques semaines.
En moyenne, un divorce accepté prend environ 8 à 12 mois mais les délais varient grandement d’une juridiction à l’autre.
Comparée à la procédure amiable devant notaire, le divorce accepté sera généralement plus cher puisque la procédure est plus longue, elle demande plus de travail et de présence à l’avocat sollicité auquel s’ajoutent aussi des frais de justice.
Pour mieux cerner les enjeux d’un divorce accepté et son déroulement, consultez notre dossier sur cette procédure en suivant ce lien.
L'aide juridictionnelle permet l'éxonération du droit de partage
Tous les partages consécutifs à un jugement de divorce et les actes prévoyant le versement d'une prestation compensatoire sont exonérés de droits lorsque l'un des époux bénéficie de l'aide juridictionnelle.
On n'y pense pas forcément mais c'est pourtant le meilleur moyen de réduire le prix d'un divorce. Il suffit qu'un des conjoints puisse bénéficier de l'aide juridictionnelle, même partielle, pour faire sauter le droit de partage et réduire ainsi le coût de son divorce. L'aide juridictionnelle en matière de divorce est généralement demandée avant d'entamer la procédure et elle permet notamment la prise en charge par l'Etat de tout ou partie des honoraires d'avocat.
Notez que les ressources prises en considération pour calculer votre éventuel droit à l'aide juridictionnelle sont uniquement les vôtres, pas celles de votre conjoint(e) comme ce serait le cas s'il s'agissait d'une autre procédure. Il suffit que l'un de vous ait droit à cette aide pour que vous soyez tranquilles avec le droit de partage...
Pour en savoir plus et vérifier si vous êtes susceptibles de bénéficier de ce dispositif, rdv sur cet article.
La constitution de votre dossier de demande d'aide juridictionnelle peut être faite directement sur votre espace personnel en ligne. Il faudra ensuite trouver un avocat qui accepte de suivre votre procédure et qui déposera votre dossier au dureau d'aide juridictionnelle. Si vous avez des questions à ce sujet, vous pouvez faire appel à nos partenaires et échanger directement avec un avocat spécialiste en suivant ce lien.
Pour un accompagnement global ou ponctuel autour des problématiques liées à votre séparation, n'hésitez pas à faire appel à notre équipe, nous saurons vous guider vers des solutions ou référents adaptés à votre situation et à votre budget.